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Kuon - Heian, spectres et malédictions : le FromSoftware qu’on a oublié

« The darkness has seeped into every corner of this manor. »

Semaine 1: Les Origines du mythe (incontournables)
Jeu 1 - Devil May Cry - Jeu 2 - Final Fantasy X - Jeu 3 - Silent Hill 2 - Jeu 4 - Ico - Jeux 5 - Metal Gear Solid : Snake Eater
Semaine 2: L’Âge d’or de la liberté (incontournables)
Jeu 1 - Shadow of the Colossus - Jeu 2 - Ōkami - Jeu 3 - God Of War II - Jeu 4 - Resident Evil 4 -jeu 5 - GTA San Andreas
Semaine 3 : Les Mondes cachés (hidden gems)
Jeu 1 - Primal - Jeu 2 - Kuon - jeu 3 - Ghosthunter -

Titre du jeu

Titre du jeu

Metacritic 57

Genèse - FromSoftware, avant les “Souls”, face au Japon des yūrei

Au début des années 2000, FromSoftware alterne RPG et horreur (King’s Field, Echo Night) et cherche une voix plus singulière dans le survival. L’équipe s’empare d’un cadre encore rare dans le jeu vidéo : le Japon de l’ère Heian (794–1185), ses onmyōji (exorcistes), ses rituels, ses fantômes. Le projet prend forme autour d’une idée simple : un manoir Kyotoïte contaminé par une malédiction, et trois regards pour le traverser — deux apprenties liées à un maître exorciste, et un onmyōji de légende.

Le pari est double : ancrage culturel fort (on invoque les traditions plutôt que les clichés “à la J-horror moderne”) et structure en volets (Yin, Yang, puis Kuon) afin que l’histoire se recompose selon le protagoniste. FromSoftware publie le jeu au Japon ; Agetec prend la version nord-américaine (doublage japonais conservé), la distribution européenne n’arrivera qu’en 2006 via Nobilis & Indie Games Productions après un premier deal avorté au Royaume-Uni.

Trailer

Univers & récit - Heian, Fujiwara Manor, trois destins

Kyōto, 11ᵉ siècle. Au manoir Fujiwara, la peste n’est pas qu’un mot : le mal ronge les murs.

Trois lignes s’entremêlent :
➤ Utsuki (volet Yin) : la fille d’Ashiya Dōman, onmyōji sévère, part à sa recherche et découvre que la piété filiale a un prix.
➤ Sakuya (volet Yang) : l’apprentie prometteuse, envoyée “faire ses preuves” dans une maison déjà perdue.
➤ Abe no Seimei (volet Kuon) : le maître, figure ambivalente entre science des esprits et responsabilité morale.

Le manoir devient personnage : jardins de pierre saturés de brume, couloirs où la laque craque, pavillons mangés par les racines. Les yūrei ne sont pas des jumpscares : ce sont des présences — femmes peignes à la main, nourrissons fantômes, ombres qui pleurent dans l’eau des bassins. Le récit, plutôt court pris individuellement, prend son sens cumulé : révélations qui se répondent, scènes partagées vues sous des angles différents, et ce dernier acte “Kuon” qui referme la boucle. (Découpage Yin/Yang/Kuon et protagonistes : Utsuki, Sakuya, Abe no Seimei.)

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Gameplay - Survival ritualiste : talismans, chants et couteaux courts

Kuon reprend des fondamentaux survival PS2 (gestion d’objets limitée, combat rapproché, énigmes d’accès), mais il les teinte d’onmyōdō :

➤ Talismans et charms pour étourdir, purifier, ou repousser — à déclencher au bon timing.
➤ Armes blanches courtes (dagues, éventails ferrés) : portée modeste, coups à engager sans gourmandise.
➤ Rituels et exorcismes : petites séquences d’observation (symboles, sons) qui ouvrent une salle, neutralisent un esprit, ou scellent une porte.
➤ Bestiaire Heian : femmes-crinières, moines défigurés, spectres-berceuses et créatures aquatiques qui saturent les zones humides.
➤ Exploration “maison japonaise” : pièces imbriquées, shōji coulissants, passerelles extérieures qui obligent à mémoriser les tours et détours.

Le rythme surprend : lent, presque cérémoniel. Les attaques ne “claquent” pas comme chez Capcom, mais s’inscrivent dans le décor ; l’horreur vient de la fragilité plus que du sursaut. Les trois campagnes partagent des lieux, oui, mais elles modulent les rencontres, redistribuent des clés et déplacent le sens de certaines scènes — l’intérêt est cumulatif, pas répétitif.

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Les dessous de la production - Trois volets, un manoir, et des contraintes assumées

FromSoftware structure le projet autour d’un manoir “coffret” : le même lieu, pensé comme plateau rituel, supporte trois progressions, chacune avec placements, scripts et boss ajustés. Avantage : maintenir la densité artistique et rentabiliser les efforts sur une PS2 capricieuse.

La caméra fixe/semi-fixe sert autant la lisibilité que l’économie de rendu, tandis que l’éclairage à la lampe donne un grain domestique aux pièces (menus halos, ombres “douces”). Les créatures, souvent humanoïdes déformés, facilitent des animations économes mais expressives — choix cohérent avec l’ambition “Heian hanté” plutôt qu’“horreur industrielle”.

Localisation : Agetec conserve l’audio JP en Amérique du Nord, choix apprécié par les amateurs du cadre historique ; en Europe, l’édition n’arrive qu’en 2006, après des péripéties d’éditeur UK (Digital Jesters) et un relais pris par Nobilis et Indie Games Productions.

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Réception critique & ventes - Passé à côté… avant la résurrection “collection”

À sa sortie, Kuon reçoit des avis mitigés : ambiance saluée, combats jugés raides, structure jugée “redondante” par ceux qui n’adhèrent pas au triptyque. Metacritic affiche 57/100 (PS2). Tirages modestes en Occident, couverture limitée : le jeu glisse sous les radars.

Rareté & cote - De l’obscurité au statut d’objet culte

La faible diffusion occidentale, l’aura “FromSoftware avant les Souls” et l’intérêt pour le survival nippon ont fait grimper la cote : versions NA/EU très recherchées (CIB), avec des prix régulièrement élevés sur le marché rétro ; l’édition PAL figure dans les listes des PS2 les plus chères. (Tirage limité, rareté/cote : PriceCharting, Racketboy, témoignages communauté.)