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Devil May Cry – La naissance du style sur PS2

« Flock off, featherface ! » — Dante

Semaine 1

Jeu 1 - Devil May Cry - Jeu 2 - Final Fantasy X - Jeu 3 - Silent Hill 2 - Jeu 4 - Ico - Jeux 5 - Metaal Gear Solid : Snake Eater  

Titre du jeu

Titre du jeu

Metacritic 94

Genèse : le bug qui engendra une légende

À la fin des années 90, Capcom planche sur Resident Evil 4. Le producteur Shinji Mikami et le jeune réalisateur Hideki Kamiya veulent réinventer la série : plus d’action, moins d’horreur.
Un prototype interne, baptisé Karnival, pousse la PS2 dans ses retranchements : les héros bondissent, jonglent avec les ennemis, et enchaînent les coups à une vitesse jamais vue. Mikami adore… mais constate que le jeu ne ressemble plus du tout à un Resident Evil.

Plutôt que de le jeter, Capcom rebaptise le projet : ce sera un spin-off entièrement nouveau. Kamiya et son équipe fondent Team Little Devil ; ils y insufflent leur passion pour l’opéra gothique, l’esthétique baroque et le cinéma d’action hongkongais. En un an, le prototype devient Devil May Cry, vitrine du savoir-faire de Capcom et manifeste d’un nouveau genre : le stylish action game.

Trailer Devil May Cry PS2

Univers et narration : l’élégance du chaos

Le jeu nous plonge dans les ruines de Malett Island, un château gothique abritant le démon Sparda, ancien seigneur infernal ayant trahi les siens pour protéger l’humanité. Son fils Dante, chasseur de démons cabotin et invincible, y affronte les hordes de l’Underworld pour venger sa mère et empêcher le retour du roi démon Mundus.

L’histoire, simple en apparence, est racontée avec emphase : caméras fixes, voix théâtrales, musique heavy-metal, poses excessives. Mais cette démesure devient la marque du jeu. Devil May Cry ne cherche pas la peur : il célèbre la puissance et la prestance, un ballet entre l’enfer et le panache.

Gameplay : la naissance du “stylish action”

Là où Resident Evil imposait lenteur et tension, Devil May Cry libère le joueur. Dante peut :

– bondir, tirer, trancher et jongler avec ses adversaires ;

– alterner entre épée et pistolets en un éclair ;

– maintenir les ennemis en l’air par des combos infinis.

Chaque coup alimente une jauge de Style qui récompense la créativité : plus les enchaînements sont variés et audacieux, plus le jeu vous félicite (“DullCoolBravoStylish !”).

Le système, d’une précision chirurgicale, repose sur l’animation : aucun bouton n’est gratuit, chaque frame compte. À l’époque, la fluidité de Dante et la réactivité de la manette PS2 donnent une impression de contrôle absolu.

Le jeu introduit aussi le Devil Trigger, transformation démoniaque temporaire offrant vitesse, puissance et régénération.

Chaque niveau, court et nerveux, alterne exploration, énigmes à la Resident Evil et combats d’arène. En une dizaine d’heures, DMC définit un genre : rapide, technique, spectaculaire.

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Direction artistique : baroque et flamboyante

Visuellement, Devil May Cry est une leçon de style. Les couloirs gothiques, les vitraux irisés, les statues démoniaques forment un décor à la fois religieux et décadent.

Kamiya s’inspire de la Renaissance italienne, du Castlevania classique et de The Crow ; l’architecture de Malett Island devient un personnage à part entière.

La caméra fixe héritée de Resident Evil renforce la tension, mais ses angles dramatiques transforment chaque duel en tableau.

La bande-son, signée Masami Ueda, alterne orgues, riffs saturés et chœurs démoniaques ; un mélange improbable qui donne naissance à l’identité sonore “Capcom 2000s”.

La motion capture, encore balbutiante, est compensée par une gestuelle exagérée et théâtrale. Dante bouge comme une rock-star : il combat, plaisante et se recoiffe après chaque carnage.

Nouveau titre

Le développement de Devil May Cry démarre en 1999 dans les locaux d’Osaka, au sein du Capcom Production Studio 4, la même équipe derrière Resident Evil 2. Hideki Kamiya, à peine trentenaire, reçoit la mission de diriger un Resident Evil 4 plus dynamique, pensé comme un “thriller gothique d’action”. Rapidement, le prototype échappe à sa tutelle : les ennemis bondissent, Dante enchaîne les coups d’épée et de flingue avec une grâce quasi surnaturelle. Mikami, producteur exécutif, comprend que ce n’est plus du survival horror — mais il perçoit aussi le potentiel d’un nouveau genre. Il pousse Kamiya à en faire une nouvelle licence : “Conserve ton gameplay, oublie les zombies.”


Le moteur de Resident Evil 2 sert de base, mais il est complètement refondu. L’équipe crée un nouveau système d’animation par “buffer”, permettant de mémoriser la commande suivante avant même la fin de l’action en cours. Résultat : Dante peut enchaîner sans latence, donnant naissance à une sensation de contrôle total — l’un des fondements du “feelDMC. Kamiya voulait que chaque coup ressemble à une chorégraphie, que le combat soit “une danse entre la mort et le style”.


Pour atteindre cette fluidité, Capcom développe un moteur spécifique capable de maintenir 60 images par seconde constantes, exploit rare en 2001. Chaque mouvement, chaque rebond de Dante est calculé frame par frame : si le jeu est si précis, c’est parce que Kamiya faisait réenregistrer les animations jusqu’à 50 fois jusqu’à obtenir la sensation voulue.


L’équipe, surnommée Team Little Devil, ne compte qu’une trentaine de personnes — minuscule pour un projet de cette envergure. Le budget atteint environ 20 millions de dollars, colossal pour Capcom à l’époque, mais les délais sont serrés : 18 mois pour livrer un jeu “propre, nerveux et lisible”. L’architecture du château est pensée comme un personnage à part entière : Kamiya veut que le joueur s’y perde comme dans un cauchemar gothique. Pour économiser du temps, la caméra fixe héritée de Resident Evil est conservée, mais exploitée cette fois pour dramatiser chaque scène.


Le moteur gère aussi un système d’éclairage dynamique, permettant à la cape de Dante et à ses armes d’interagir avec la lumière. C’est l’un des premiers jeux PS2 à afficher des ombres portées en temps réel.

La bande-son suit la même logique : Capcom expérimente un mix dynamique où les riffs de guitare s’intensifient selon le niveau de style du joueur — prémices du système musical adaptatif qu’on retrouvera vingt ans plus tard dans Devil May Cry 5.


Hideki Kamiya, perfectionniste, supervise chaque plan, chaque dialogue, chaque pose de Dante. Il impose le ton — insolent, ironique, presque punk. Capcom, d’abord sceptique, finit par comprendre qu’il tient une icône. Quand le jeu sort en août 2001, personne ne le sait encore, mais la Team Little Devil vient d’inventer un genre.

Réception critique et succès

À sa sortie, Devil May Cry est acclamé
➤ Famitsu : 36/40

IGN : 9,1/10

GameSpot : 9,6/10

Metacritic : 94/100

La presse salue la fluidité, la précision du gameplay et le charisme de Dante. Certains reprochent une difficulté brutale, mais elle deviendra un argument de prestige.

En six mois, plus de 2 millions d’exemplaires sont écoulés, un record pour une nouvelle licence Capcom.

Le jeu influence immédiatement le marché : Sega répondra avec Shinobi, Namco avec Soul Reaver 2, et même Ninja Gaiden Black sur Xbox s’en inspirera.

Héritage et descendance

Devil May Cry invente un langage.

Le concept de “style” deviendra une norme du jeu d’action, repris par Bayonetta, God of War, Metal Gear Rising ou No More Heroes.

Le personnage de Dante, mi-ange mi-punk, devient une icône PlayStation, symbole d’insolence et de coolitude.

La série connaîtra des hauts et des bas

➤ DMC 2 (2003) : suite décevante, gameplay aseptisé.

➤ DMC 3 (2005) : renaissance spectaculaire, plus rapide et plus exigeant.
➤ DMC 4 (2008) : première incursion HD.
➤ DMC 5 (2019) : retour triomphal du “vrai” Dante.
Mais tout part de ce premier épisode, de ce château baroque et de cette envie de faire du jeu vidéo un spectacle.

Studio en lumière : Capcom Production Studio 4

Basé à Osaka, ce pôle est alors le cœur créatif de Capcom.

Sous la houlette de Mikami et Kamiya, il enchaîne les chefs-d’œuvre : Resident Evil 2, Dino Crisis, Devil May Cry, Viewtiful Joe.

En 2006, Kamiya quitte Capcom pour fonder Clover Studio, puis PlatinumGames, où il prolongera l’héritage DMC avec Bayonetta.

Capcom, de son côté, fera de la série un pilier de la marque, symbole de la flamboyance PlayStation.

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