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Resident Evil 4 — Quand la peur s’est mise à l’épaule

« Where’s everyone going? …Bingo? » — Leon S. Kennedy

Semaine 1: Les Origines du mythe (incontournables)
Jeu 1 - Devil May Cry - Jeu 2 - Final Fantasy X - Jeu 3 - Silent Hill 2 - Jeu 4 - Ico - Jeux 5 - Metal Gear Solid : Snake Eater

Semaine 2: L’Âge d’or de la liberté (incontournables)
Jeu 1 - Shadow of the Colossus - Jeu 2 - Ōkami - Jeu 3 - God Of War II - Jeu 4 - Resident Evil 4

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Resident Evil 4

Resident Evil 4

Metacritic 96

Genèse — Le jeu qui a failli ne jamais exister (et qui a tout changé)

Resident Evil 4 n’a pas été conçu. Il a été arraché au chaos.

Entre 1999 et 2004, Capcom tente quatre fois de le réinventer. Un prototype gothique devient Devil May Cry. Une version brumeuse s’effondre faute de rythme. La fameuse “Hook Man” — hallucinations, fantômes, caméra flottante — fascine mais ne tient pas. Le projet est relancé, encore et encore, jusqu’à ce que Shinji Mikami reprenne les rênes.

Il impose un virage :

• Exit les zombies.

• Place à des ennemis organisés, capables de contourner, assiéger, piéger.

• Caméra à l’épaule, viseur laser, tir qui fige le joueur.

Ce n’est plus un jeu d’horreur. C’est un jeu de tension.

Et surtout : ce n’est plus un jeu de plans fixes. C’est un jeu de regard.

RE4 redéfinit le shooter à la troisième personne. Pas par ses armes, mais par sa mise en scène. Viser devient un acte dramatique. Chaque balle est une décision. Chaque recul, une chorégraphie. Et tout cela, Capcom le conçoit pour la GameCube.

Mais en 2005, surprise : le jeu arrive aussi sur PlayStation 2.

Une version qui n’aurait jamais dû exister — et qui va pourtant devenir la plus jouée.

Trailer E3 2005

Univers & récit — D’un commissariat à un village qui prie encore… mais pas pour vous

Leon S. Kennedy n’est plus le bleu de Raccoon City. Il est devenu agent fédéral, envoyé en Europe pour retrouver Ashley Graham, la fille du président. Ce n’est pas une mission d’infiltration. C’est une descente dans un monde rural qui a basculé — pas dans le chaos, mais dans une autre logique.

Le jeu s’ouvre sur une route forestière, puis un village. Pas de jump scare. Pas de virus. Juste des regards vides, des fourches levées, des cloches qui sonnent la chasse.

On n’est plus dans un laboratoire. On est chez des gens. Des gens contaminés, oui — par Las Plagas — mais organisés, capables de tendre des embuscades, de poser des échelles, de vous encercler.

Le récit suit une ligne claire :

Village Château Île.

Mais chaque zone est un monde en soi, avec ses figures :

- Luis Sera, ancien chercheur, charmeur désabusé, qui en sait trop.

- Ada Wong, toujours entre l’aide et la manipulation.

- Salazar, caricature gothique à la fois grotesque et glaçante.

- Krauser, rivalité de vétérans, duel de lames.

- Saddler, figure messianique, parasite en toge.

RE4 multiplie les twists, et à mesure que Leon progresse, la menace s’infiltre — dans les corps, dans les regards, dans lui-même.

Sur PS2, malgré la compression, les cinématiques gardent leur impact. Les visages sont expressifs, les transitions fluides. Et surtout : l’ambiance tient. Même avec moins de polygones, le malaise reste intact.

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Gameplay — Viser, c’est respirer. Tirer, c’est choisir.

Resident Evil 4 change tout avec une seule idée : viser doit être un acte.

Pas un réflexe. Pas un automatisme. Une mise en scène.

La caméra se cale derrière l’épaule de Leon. Le viseur laser devient votre seul repère. Pas de réticule flottant, pas de tir en mouvement. On s’arrête. On respire. On vise. Chaque balle compte.

Et chaque impact ouvre une possibilité :

- Tirer la jambe → chute.

- Tirer la tête → étourdissement.

- Tirer la main → lâcher d’arme.

- Tirer le torse → recul, fenêtre contextuelle, coup de pied, suplex, échafaud jeté.

Le gameplay devient une danse de panique contrôlée :

on recule, on casse une échelle, on pousse une armoire, on saute par la fenêtre, on replie la pièce.

Les Ganados ne sont pas des sacs à PV. Ce sont des meutes. Ils encerclent, grimpent, jettent, se protègent.

Le fusil à pompe tient la porte. Le TMP nettoie les lignes. Le fusil de précision casse un arbalétrier à 60 mètres.


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Direction artistique & son — Trois enfers, une même clarté

Resident Evil 4 est un jeu d’ambiances.

Trois lieux, trois textures, trois manières de vous faire sentir en trop.

- Le village est rural, humide, sale. Pierres moussues, bois pourri, tissus gras. Tout suinte.

- Le château est baroque, jaune, grotesque. Tentures, dorures, machineries absurdes. Un gothique de carnaval.

- L’île est industrielle, grise, métallique. Couloirs techniques, bunkers, parasites en cage.

Sur PS2, ces ambiances tiennent.

Les textures sont moins fines, les effets de lumière plus simples, mais la lisibilité reste intacte.

Capcom compense par un travail de contraste : silhouettes claires, laser rouge qui guide le regard, lisère lumineux sur les objets interactifs.

Même avec moins de pixels, le jeu reste lisible, lisant, tendu.

Le sound design fait le reste :

- Chuchotis en espagnol qui se rapprochent.

- Sabots sur la terre battue.

- Torches qui claquent.

- Parasites qui crissent.

- Silence qui pèse.

La musique ne surjoue jamais.

Elle tient une note, puis se retire.

Elle laisse la peur mécanique s’installer — celle qui vient du rythme, pas du jump scare.

Sur PS2, les voix sont compressées, les effets sonores parfois étouffés.

Mais l’essentiel passe.

Et parfois, ce léger voile sonore ajoute à l’étrangeté.

On n’entend pas tout. On devine. On doute.

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Production — Une version qui ne devait pas exister, mais qui tient debout

Resident Evil 4 n’a jamais été pensé pour la PlayStation 2. Tout, dans sa conception, respire la GameCube : le viseur laser intégré dès les premières maquettes, la caméra épaulée qui cadre Leon comme un acteur en tension, l’intelligence artificielle conçue pour encercler, grimper, assiéger, et cet inventaire en attaché-case qui transforme la gestion d’objets en mini-jeu tactique. C’est un pipeline taillé pour une console plus agile, plus généreuse en mémoire, plus à l’aise avec les effets de lumière et les particules.

Et pourtant, en 2005, Capcom fait ce que personne n’attendait : il porte RE4 sur PS2.

Pas un simple portage. Une adaptation. Une négociation avec les limites.

Les cinématiques deviennent des vidéos pré-rendues. Les textures perdent en finesse. Les effets de transparence sont rabotés, les temps de chargement s’allongent, les animations perdent parfois un peu de leur fluidité. Mais le cœur du jeu reste intact. Le laser est toujours là, net, précis. La caméra garde son angle dramatique, ce flou hors champ qui fait naître l’inquiétude. L’IA fonctionne, le rythme tient, la tension respire.

Et surtout, Capcom ajoute du contenu.

La version PS2 accueille un mode inédit : Separate Ways. Une campagne parallèle centrée sur Ada Wong, qui recoupe l’intrigue principale, la tord, la complète. Ce n’est pas un bonus. C’est une extension narrative qui donne du relief à l’ensemble.

RE4 sur PS2 n’est pas une version au rabais.

C’est un jeu qui sait ce qu’il doit sacrifier — et ce qu’il doit absolument préserver.

Un jeu qui prouve qu’avec de l’intelligence, même une console moins puissante peut accueillir une révolution

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Réception critique et succès

Pluie d’éloges : gameplay, rythme, lisibilité, “village opening” déjà scolaire pour tout game designer. Notes stratosphériques, ventes solides sur chaque réédition, long tail exemplaire. Les rares reproches de l’époque (QTE envahissants, virage action) pèsent peu face à l’onde de choc.

Héritage — Le patron du shooter moderne

Sans RE4, pas de Gears of War tel qu’on le connaît, pas de Dead Space comme il est, une autre trajectoire pour The Last of Us. Capcom lui-même s’auto-influencera (RE5/6), puis bouclera la boucle avec un remake 2023 somptueux… qui rappelle surtout la justesse du design d’origine : ce mélange de panique contrôlée, de micro-décisions et de lisibilité parfaite.