Son architecture parallèle, ses unités vectorielles spécialisées et ses caches minuscules exigeaient une maîtrise technique pointue, loin des environnements familiers aux studios. Résultat : en début d’année 2001, beaucoup de jeux peinaient encore à exploiter pleinement la puissance de la machine, et les premiers titres sortis en 2000 étaient souvent des portages bâclés ou des démos techniques peu convaincantes.
Sony en avait conscience : pour éviter que l’enthousiasme ne retombe, la firme a multiplié les kits de développement, investi massivement dans ses studios internes (notamment aux États-Unis, en Europe et au Japon), et aligné des exclusivités stratégiques financées en partie par ses propres fonds. L’objectif était clair : fidéliser les éditeurs tiers et leur donner les outils pour exploiter l’Emotion Engine, quitte à supporter des coûts de développement élevés. Une stratégie payante, mais qui a pris du temps : il a fallu près d’un an pour que les studios commencent à maîtriser cette "bête de course".
La chute de la Dreamcast : un cadeau empoisonné pour Sony
Le 31 janvier 2001, Sega annonce l’arrêt de la production de la Dreamcast, mettant fin à 18 ans de présence sur le marché des consoles. Un choc pour l’industrie, mais une aubaine pour Sony : la Dreamcast, malgré des jeux acclamés comme Shenmue ou Phantasy Star Online, n’a jamais réussi à rivaliser avec la hype autour de la PS2. Les ventes de la console de Sega ont chuté de manière dramatique après le lancement de la PS2, passant de 50 000 unités par jour à un rythme insuffisant pour assurer sa survie financière. Sega, confrontée à des pertes colossales et à l’arrivée imminente de la Xbox et de la GameCube, a préféré se retirer du hardware et se recentrer sur le développement de jeux.
Pour la PS2, c’est un boulevard qui s’ouvre : des titres comme Crazy Taxi ou Virtua Fighter 4, initialement prévus pour la Dreamcast, sont rapidement portés sur la console de Sony. Les joueurs encore hésitants basculent massivement vers la PS2, désormais seule option crédible sur le marché avant l’arrivée de la concurrence. En quelques mois, la machine de Sony passe du statut de "lecteur DVD haut de gamme" à celui de plateforme incontournable.
2001, l’année des blockbusters
C’est en 2001 que la PS2 passe enfin à la vitesse supérieure. Plusieurs titres marquent un tournant décisif, prouvant que la console est capable de tenir ses promesses :
➤ Gran Turismo 3: A-Spec (14,89 millions d’exemplaires vendus) : une vitrine technique qui montre que la PS2 peut rivaliser avec les graphismes des arcades, tout en offrant une expérience de course ultra-réaliste.
➤ Final Fantasy X (8,5 millions d’exemplaires) : le premier RPG de la saga sur PS2, visuellement époustouflant et narrativement riche, qui devient un phénomène planétaire et confirme le statut de la console comme plateforme de référence pour les jeux japonais.
➤ Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty : attendu comme le messie, ce jeu d’infiltration redéfinit les standards du genre avec ses cinématiques spectaculaires et son gameplay innovant. Il cristallise l’image "next-gen" de la PS2 et prouve que l’Emotion Engine peut enfin livrer des expériences immersives.
➤ Grand Theft Auto III : une révolution culturelle. Avec son monde ouvert en 3D, son ton adulte et sa liberté de gameplay, le jeu de Rockstar devient un phénomène de société, vendu à plus de 14,5 millions d’exemplaires et redéfinissant ce que peut être un jeu vidéo. Son succès propulse la PS2 au rang de machine incontournable pour les joueurs adultes.
➤ Devil May Cry et Jak & Daxter : deux titres qui montrent la diversité créative de la PS2, entre action nerveuse et plateforme 3D coloré, et qui lancent des franchises durablesen.wikipedia.org.
➤ Silent Hill 2 et TimeSplitters 2 : des jeux cultes qui marquent les esprits, entre horreur psychologique et FPS multijoueur, et qui élargissent encore l’audience de la console.
En l’espace de quelques mois, la PS2 passe du statut de console décevante à celui de machine des chefs-d’œuvre. Les promesses marketing de 1999 trouvent enfin une traduction concrète, et la presse spécialisée bascule dans l’euphorie. Les ventes de jeux s’envolent, les développeurs commencent à maîtriser l’Emotion Engine, et la ludothèque s’enrichit à un rythme effréné.
Une confiance retrouvée
L’arrivée groupée de ces hits change tout. La PS2 n’est plus perçue comme un simple lecteur DVD haut de gamme, mais comme une console de jeu complète, capable de satisfaire tous les publics. Sony a réussi son pari : en profitant de son avance commerciale, la firme a verrouillé le marché avant même l’arrivée de la Xbox (novembre 2001) et de la GameCube (décembre 2001). En termes d’image comme de contenu, la PlayStation 2 est désormais solidement installée comme la référence absolue de sa génération.