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Test grandeur nature du marché Switch 2

Depuis des années, l’industrie répète que « les joueurs Nintendo n’achètent que du Mario, Zelda ou Pokémon ». Ce cliché s’appuie sur une réalité : les ventes colossales des exclusivités first-party ont toujours écrasé le reste du catalogue. Mais cette idée est de plus en plus remise en cause.

Un cliché à dépasser

Des titres comme The Witcher 3 ont trouvé leur public sur Switch 1, malgré un portage technique limité. Monster Hunter Rise, développé spécifiquement pour la console, a dépassé les 13 millions d’exemplaires. Même des RPG plus nichés comme Octopath Traveler ou Dragon Quest XI S ont rencontré un succès solide, prouvant que le public Nintendo est curieux, engagé, et prêt à consommer du AAA tiers.

Le vrai problème n’a jamais été la demande, mais l’offre : des portages tardifs, downgradés, ou du cloud bancal. Les éditeurs ont longtemps considéré Nintendo comme un marché secondaire, bon pour les adaptations ou les spin-offs, mais rarement pour les lancements majeurs.

Requiem, un test grandeur nature… mais pas seul

L’arrivée de Resident Evil Requiem en simultané sur Switch 2 n’est pas un cas isolé. C’est le symbole d’un basculement : la console de Nintendo est désormais intégrée dans le calendrier de sortie des gros AAA, au même titre que la PS5 ou la Xbox Series. Et Capcom n’est pas seul à miser sur cette dynamique.

• Electronic Arts a confirmé que EA Sports FC 26 sortira en day one fin septembre 2025 sur Switch 2, avec une version identique aux autres supports. Pas de portage tardif, pas de version “legacy” limitée : la parité est assumée.

• Square Enix aligne déjà ses sorties : les prochains Final Fantasy sont encore annoncés sur Switch 2, et Dragon Quest XII et la suite de Octopath Traveler sont prévus en version native, avec des optimisations spécifiques pour le SoC Nvidia.

• Ubisoft a frappé fort avec Star Wars Outlaws : un portage technique salué, qui prouve que la machine peut encaisser un open-world AAA moderne sans passer par le cloud.


Requiem n’est donc pas une exception, mais la partie la plus visible d’une tendance lourde : les éditeurs majeurs testent enfin le potentiel du marché Nintendo avec de vraies versions natives, pensées pour durer.


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Ce que les éditeurs regardent vraiment

Derrière chaque sortie AAA sur Switch 2, il y a une grille d’analyse précise. Les éditeurs ne se contentent pas de regarder les ventes brutes. Ils scrutent :

Pour évaluer le véritable potentiel de la Switch 2 en tant que plateforme AAA, les éditeurs tiers ne se contentent pas de regarder les chiffres de vente bruts. Ils analysent une série d’indicateurs stratégiques qui leur permettent de mesurer la viabilité commerciale et technique de leurs titres sur cette console.

Le premier indicateur est le taux de conversion : autrement dit, combien d’acheteurs de Switch 2 passent réellement à l’acte lorsqu’un jeu AAA tiers est proposé. Ce chiffre permet de jauger l’appétence du public Nintendo pour des expériences plus ambitieuses que les classiques first-party.

Ensuite vient la durée de vie commerciale. Les éditeurs observent si les ventes s’étalent sur plusieurs semaines ou si elles chutent brutalement après le lancement. Une courbe de vente stable indique un public engagé, capable de soutenir un titre dans le temps.

La répartition entre mode docké et mode portable est également cruciale. Elle influence directement les choix de design, d’interface et de performance. Savoir si les joueurs privilégient le jeu nomade ou sur écran TV permet d’optimiser les portages et les configurations techniques.

Autre point clé : la tolérance aux concessions techniques. Jusqu’où le public est-il prêt à accepter des sacrifices visuels ou de fluidité pour jouer en nomade ? Ce seuil de tolérance détermine le niveau d’exigence à respecter pour ne pas compromettre l’expérience.

Enfin, les éditeurs scrutent l’engagement post-achat : temps de jeu moyen, taux d’activation des DLC, popularité des modes annexes, rejouabilité. Ces données permettent de mesurer la profondeur de l’expérience vécue sur Switch 2 et d’anticiper les revenus additionnels.

Ces cinq indicateurs, une fois croisés, dessinent une cartographie précise du comportement des joueurs Switch 2 face aux AAA tiers. Et c’est cette cartographie qui décidera, dans les mois à venir, si la console devient un terrain de jeu central pour les blockbusters… ou si elle reste un écosystème parallèle.

Ces données, une fois agrégées, permettent aux éditeurs de redéfinir leur stratégie multiplateforme. Si les signaux sont bons, les budgets AAA incluront la Switch 2 dès la préproduction. Si les signaux sont faibles, la console redeviendra un terrain de portage tardif.

Comparaison avec les précédents

Sur Switch 1, les AAA tiers ont souvent été des expériences bancales :

• Control en cloud : instable, dépendant de la connexion, peu convaincant.

• Hitman 3 : même problème, avec une latence qui nuit à l’infiltration.

• Resident Evil 7 et Village : versions cloud uniquement au Japon, jamais sorties en physique.

Ces tentatives ont montré une bonne volonté, mais aussi les limites techniques de la Switch 1. Les ventes étaient modestes, les critiques mitigées, et les éditeurs ont vite compris que le cloud ne suffisait pas à créer une vraie présence.

Avec la Switch 2, le paradigme change. Les portages sont natifs, les performances sont solides, et les studios investissent dans des versions optimisées. Le public, lui, répond présent — à condition que l’expérience soit crédible.

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Une dynamique collective

La vraie nouveauté, c’est que plusieurs éditeurs bougent en même temps. Capcom, EA, Ubisoft, Square : tous ont déjà franchi le pas. La Switch 2 ne reçoit plus des miettes techniques, mais des versions ambitieuses, quasi-paritaires, parfois même optimisées pour le mode portable.

Ce mouvement collectif montre un changement de paradigme profond :

• Nintendo n’est plus seulement une console “first-party centric”.

• Elle devient un terrain de jeu crédible pour les AAA tiers.

• Les studios ne se demandent plus “si” la Switch 2 peut accueillir leurs jeux, mais “comment” les adapter intelligemment.

Et dans ce contexte, Resident Evil Requiem n’est pas seulement un test isolé. C’est la pièce maîtresse d’une vague d’expérimentations collectives qui déterminera si la Switch 2 devient — enfin — une plateforme AAA au même rang que la PlayStation et la Xbox.