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4. Perspectives : trois chemins pour l'avenir

Sur certaines télévisions, le logo Xbox s'installe déjà aux côtés de Netflix. On connecte une manette Bluetooth, on lance l'application, et on joue sans console.

Pour les abonnés Game Pass Ultimate, c'est une réalité sur des gammes de TV Samsung, LG et Fire TV. La promesse est claire : chaque écran peut devenir une Xbox, au moins pour les jeux compatibles cloud. Cette stratégie n'est plus une idée en présentation, elle vit dans des accords industriels et un bouton "Jouer" sur télécommande.

PlayStation avance plus prudemment : le streaming PS5 est un avantage Premium intégré à l'écosystème PS Plus et au Remote Play. Le message : oui au cloud, mais en prolongement du hardware. On n'installe pas un logo PlayStation sur toutes les TV, on attache l'expérience au compte et aux offres maison.

Que devient la console dans ce contexte ? Un accélérateur plutôt qu'un passage obligé. Le cloud est efficace pour découvrir, pour continuer une partie loin du salon, pour baisser le ticket d'entrée. Il est moins souverain quand on veut zéro latence, des 120 fps verrouillés, un rendu stable en 4K. Le local garde l'avantage dans l'exigence pure.

Les régulateurs veillent : le remède cloud imposé à Microsoft pour Activision/Blizzard a rappelé qu'aucun acteur ne verrouillera cette porte à lui seul. L'écosystème cloud-console se développera, mais sous surveillance concurrentielle.

Le matériel réinventé : nomade et passion

À l'autre extrémité, l'industrie remuscle le physique. Des handhelds PC-like qui parlent Xbox/Windows, des boîtiers salon plus silencieux, des périphériques qui soignent la latence. Cette voie assume une évidence : pour une frange de joueurs, la sensation prime sur la commodité. On préfère la netteté d'une image locale, la stabilité d'un framerate, la liberté d'installer et de modifier.

Ce courant ne contredit pas l'application TV, il lui répond. Quand l'accès est partout, le différentiel perçu de la machine dédiée devient un atout marketing. Et les chiffres macro ne contredisent pas cette intuition : en 2025, Newzoo voit la console comme moteur de croissance du marché, portée par un pipeline de titres qui justifie encore, pour beaucoup, un appareil dédié.

On parlera moins de "la console" que de formes de consoles : un boîtier minimaliste pour le salon, un portable très capable, et l'application TV comme option toujours là. Un trident plutôt qu'un monolithe.

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L'économie de l'engagement : abonnement et services

Le présent a déjà glissé de "j'achète un jeu" à "je reste dans un écosystème". PlayStation Plus et Game Pass ont augmenté leurs tarifs et affiné leurs paliers. Côté Xbox, un tier Standard sans day-one a même été créé. L'abonnement devient l'épine dorsale de la découverte, du backlog, et de la fidélité.

Dans les bilans, ce sont les services récurrents qui tirent la croissance. Si la console mène la hausse en 2025, c'est largement grâce à ce qu'on vend après le ticket d'entrée : contenu additionnel, passes, monnaies cosmétiques. Avantage : des jeux qui vivent plus longtemps, des mises à jour qui corrigent et surprennent. Risque : l'impression qu'on râpe la valeur initiale au lieu de l'étendre.

Le marché a montré une limite : quand un éditeur tente au-delà de 70 € comme nouveau palier nominal, la demande se rétracte brutalement et le prix finit par redescendre. L'élasticité existe, et c'est sain : elle force à justifier chaque étage.

Le jeu complet peut redevenir un argument, pas en opposant jeux finis et jeux services, mais en clarifiant ce qui est inclus au prix d'achat. Dans un marché où tout se segmente, la lisibilité peut être un luxe désirable et un différenciateur.

Les freins structurels

Trois réalités freinent l'idée d'un monde tout-cloud, tout-abonnement.

La technique d'abord : même si la fibre s'étend, le cloud dépend de latences et de partenariats disparates. L'expérience varie selon les lieux et les TV compatibles. C'est formidable pour l'essai, moins pour l'excellence.

La concurrence régulée ensuite : l'affaire Activision/Blizzard, avec la cession des droits cloud à Ubisoft, a installé un garde-fou. Aucune plateforme ne retiendra seule le tuyau qui dessert les gros catalogues. C'est la garantie d'un pluralisme dans vingt ans.

La valeur culturelle enfin : on ne collectionne pas une session. On collectionne des objets, des versions, des souvenirs. Les polémiques autour des délestages (Forza Horizon 4 retiré de la vente, The Crew rendu injouable) rappellent que la préservation et la propriété seront des sujets brûlants pour la prochaine décennie. La confiance se gagnera à l'aune de ces dossiers.

L'ombre des jeunes générations

Les 18-24 ans ont réduit leurs achats premium d'environ un quart début 2025. Ils n'ont pas déserté le jeu, ils ont réajusté : plus d'UGC, plus de free-to-play, plus d'indés social-coop à petit prix. Si on veut qu'ils paient plus tard, il faut leur donner une raison plus claire qu'un prix facial à 70 €.

Dans vingt ans, la plupart des expériences auront un sas gratuit (démo jouable, chapitre 1, week-end d'essai, rotation d'abonnement), puis un chemin de valeur bien balisé vers le premium. Ce ne sera pas free-to-play partout, ce sera accès partout.

La régulation comme terrain de jeu

L'Europe pousse vers plus d'ouverture (DMA, app stores alternatifs), ce qui pourrait, à terme, faciliter d'autres modes de distribution du jeu sur appareils mobiles. À court terme, cela crée des frictions. À long terme, cela peut élargir les chemins d'accès au jeu sur écran secondaire et donc, par ricochet, nourrir les plateformes console. La régulation ne fera pas la stratégie, mais elle dessine le terrain.

Autre front : le loot box. La Belgique a fait jurisprudence locale en forçant la désactivation des achats aléatoires payants. Les Pays-Bas ont finalement adopté une lecture plus permissive. Dans vingt ans, on peut imaginer des standards transnationaux (affichage d'odds, restrictions d'âge, packages non aléatoires) qui rendront le modèle plus transparent et moins rentable quand il repose sur l'opacité.

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Trois images superposables

L'application omniprésente : tu arrives chez des amis, la TV a l'app Xbox ou équivalent, ta sauvegarde t'attend. L'abonnement est à la maison comme l'électricité. Les grands soirs existent toujours et ils se jouent en local.

Le totem portable : un handheld te suit partout, alimente tes captures, tes mods, tes LAN improvisées. Tu passes du canapé aux transports sans conversion. Les machines passion restent rentables parce qu'on a appris à faire moins de modèles, plus longtemps, mieux intégrés.

L'économie lisible : on trouve partout une entrée gratuite ou une période d'essai, puis des tiers clairs : Standard (tout ce qui compte), Plus (confort et esthétique), Pass (rythme live). Les hausses de prix passent si et seulement si elles ne diluent pas le sens de jeu complet.