Une vision claire : le PC simplifié comme une console

Le succès immédiat : critiques et joueurs conquis
Dès son lancement, le Steam Deck a surpris. Certes, l’écran n’était pas OLED, l’autonomie plafonnait parfois à deux heures sur les AAA, et le gabarit imposant (669 grammes) rebutait certains. Mais l’essentiel était ailleurs : ça marchait.
Des titres comme Elden Ring ou Cyberpunk 2077 étaient jouables, dans des conditions certes inférieures à un PC fixe haut de gamme, mais avec une fluidité suffisante pour que l’expérience reste crédible. Et pour des productions indés, ou des jeux moins gourmands, le Steam Deck devenait carrément la plateforme idéale : portable, pratique, et propulsée par Steam Cloud pour reprendre sa partie partout.
Les critiques ont vite souligné ce paradoxe : le Steam Deck n’était pas parfait, mais il était révolutionnaire. Pour la première fois, un constructeur proposait une machine portable qui avait la bibliothèque d’un PC, la simplicité d’une console, et un prix qui restait en dessous des portables gaming traditionnels.
Le Steam Deck comme catalyseur du marché
Le plus frappant, ce n’est pas seulement le succès du Steam Deck lui-même, mais ce qu’il a déclenché. Jusque-là, les appareils GPD Win ou Aya Neo étaient des curiosités, confinées à des communautés de niche. Avec Valve, tout a changé :
➤ Un effet de légitimation : si une entreprise de l’ampleur de Valve se lançait, ce n’était plus un gadget, c’était un marché.
➤ Un effet d’imitation : à peine un an plus tard, Asus lançait le ROG Ally, Lenovo le Legion Go, MSI le Claw, chacun avec sa propre approche, mais toujours la même promesse : “Vous voulez un PC-console portable ? On a ce qu’il vous faut.”
➤ Un effet d’expansion : les joueurs ont commencé à comparer ces appareils aux consoles traditionnelles, et non plus seulement aux laptops gaming.

Windows ou SteamOS : la bataille des écosystèmes
L’une des grandes différences entre Valve et ses concurrents est la question du système d’exploitation.
Valve a choisi SteamOS, avec une philosophie claire : optimiser pour le jeu, masquer la complexité. L’appareil pouvait toujours revenir en mode “bureau Linux”, mais ce n’était pas le cœur de l’expérience.
Les concurrents, eux, se sont tournés vers Windows. Avantage : compatibilité immédiate avec Steam, Epic Games Store, Game Pass, etc. Inconvénient : une ergonomie bien plus lourde, Windows n’étant pas conçu pour une interface portable. Beaucoup de testeurs notaient des frictions : mise à jour intempestive, pop-ups, drivers capricieux.
Cette divergence illustre un point clé : le Steam Deck n’était pas juste une machine, mais une philosophie. Valve voulait créer un pont entre la flexibilité du PC et l’immédiateté d’une console.
Un modèle économique assumé
Le Steam Deck n’était pas pensé comme une machine à marges énormes. Valve, comme Microsoft avec la Xbox, pouvait se permettre d’investir à perte sur le hardware pour gagner sur le software : les ventes de jeux sur Steam.
➤ Plus de machines vendues = plus d’utilisateurs Steam = plus d’achats de jeux.
➤ L’écosystème Prime : Steam Cloud, Big Picture, Workshop, etc. venaient enrichir la valeur perçue.
➤ Une machine qui fidélisait encore plus à Steam, en réduisant l’attrait des autres stores.
En clair, le Steam Deck était une arme stratégique autant qu’un produit.
La Switch comme référent, mais pas comme concurrent direct
On ne peut pas parler du Steam Deck sans évoquer la Switch. Beaucoup ont comparé les deux, mais en réalité, les cibles divergeaient. La Switch était la console familiale, abordable, remplie d’exclusivités Nintendo et optimisée pour un hardware limité. Le Steam Deck, lui, visait un public plus technophile, déjà ancré dans l’univers PC.
Cependant, Valve a démontré que l’hybride n’était pas qu’une lubie de Nintendo, mais bien une attente du marché. Et que le modèle pouvait s’appliquer au PC, ouvrant une brèche dans le mur historique entre “jeu portable” et “jeu de salon”.

Ce que le Steam Deck a changé, en profondeur
Avec le recul, le Steam Deck a agi comme un accélérateur de mutation :
➤ Il a montré qu’un PC pouvait être perçu et utilisé comme une console, sans perte de crédibilité.
➤ Il a rendu la notion de bibliothèque portable concrète : ses jeux PC, dans le train, au lit, en voyage.
➤ Il a fait bouger les lignes chez les constructeurs, qui ont compris qu’il y avait là un marché prêt à exploser.
Ce n’est pas le Steam Deck seul qui menace la place des consoles de salon, mais le mouvement qu’il a enclenché. Aujourd’hui, Asus, Lenovo, MSI et même Acer rivalisent dans ce domaine. Mais tous doivent une chose à Valve : avoir transformé une curiosité technologique en phénomène industriel.