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Conclusion : la fin du totem ?

L’essor des PC portables gaming agit comme un révélateur. Il montre que la frontière entre console et PC n’a jamais été aussi floue.

➤ Pour Microsoft, c’est une opportunité : chaque appareil peut devenir une porte d’entrée au Game Pass.

➤ Pour Sony, c’est une menace : si les joueurs peuvent découvrir ses licences ailleurs, la console perd son pouvoir d’attraction.

➤ Pour Nintendo, c’est un défi : défendre un modèle propriétaire face à des machines polyvalentes qui séduisent par leur liberté.


La question n’est donc pas de savoir si les consoles vont disparaître. Elles continueront d’exister, portées par leurs exclusivités et leur simplicité. Mais leur statut change : d’objets incontournables, elles deviennent des options parmi d’autres dans un marché où le joueur choisit désormais non pas “quelle machine acheter”, mais “comment jouer”.

Et dans ce futur en construction, le PC portable gaming pourrait bien être le vrai trait d’union : ni totalement console, ni totalement PC, mais un hybride qui redessine les règles du jeu.

L’histoire du jeu vidéo a toujours été rythmée par des ruptures technologiques. L’arrivée de la 3D polygonale avec la PlayStation, la démocratisation du jeu en ligne avec la Xbox, le mouvement à détection avec la Wii… Chaque époque a vu son paradigme bousculé. Le tournant actuel est d’une autre nature : ce n’est plus seulement une question de puissance ou d’innovation logicielle, mais de forme.

Les PC portables gaming, longtemps considérés comme des curiosités réservées aux passionnés, se sont imposés en quelques années comme une alternative crédible aux consoles de salon. Non pas en les imitant, mais en proposant une nouvelle équation : toute la bibliothèque PC dans un appareil nomade, capable de se transformer en console dès qu’on le branche à la télé.

Nintendo, pionnier malgré lui

On l’a vu avec la Switch, puis avec la Switch 2 : Nintendo a été le premier à montrer que le modèle hybride avait du sens pour le grand public. Pouvoir emporter son jeu de salon partout, sans concessions majeures, est devenu une évidence pour des millions de joueurs. Mais Nintendo reste enfermé dans son écosystème : ses licences first-party sont son moteur, son hardware est volontairement limité.

Face aux Steam Deck, ROG Ally et Legion Go, la Switch 2 se retrouve dans une position paradoxale. Elle garde l’avantage des exclusivités (Zelda, Mario, Pokémon), mais devient techniquement comparable à des machines capables de faire tourner Elden Ring, Cyberpunk 2077 ou Baldur’s Gate 3.

Sony, la citadelle qui s’ouvre doucement

Sony continue de miser sur ses blockbusters internes. Spider-Man 2, The Last of Us Part III, God of War : ces titres sont pensés comme des aimants à consoles. Mais la stratégie évolue. Là où autrefois un jeu PlayStation restait prisonnier de la console à vie, il trouve aujourd’hui une seconde existence sur PC quelques mois ou années plus tard.

Cette ouverture calculée permet à Sony d’élargir son audience tout en maintenant le prestige de la marque PlayStation. Mais elle fragilise aussi son modèle exclusif : à quoi bon acheter une PS5 si God of War finit par arriver sur Steam ? Pour l’instant, la réponse réside dans le décalage temporel et l’optimisation maison (DualSense, 3D Audio, etc.). Mais plus les PC portables hybrides gagnent en popularité, plus cette frontière paraît artificielle.

Microsoft, déjà dans le futur

Microsoft, de son côté, n’a jamais vraiment réussi à imposer la Xbox comme un incontournable du hardware. Mais avec le Game Pass, il a trouvé autre chose : un modèle de service. Qu’importe que vous jouiez sur Xbox, PC ou smartphone : l’important est d’être abonné. Dans ce cadre, les PC portables gaming sont presque des alliés naturels.

Branchés à l’écosystème Windows, compatibles avec xCloud, ils deviennent des vitrines parfaites pour la stratégie de Microsoft. La question est presque ironique : et si, demain, l’allié numéro un du Game Pass n’était pas la Xbox Series, mais le Steam Deck ?

Une question de perception

Car au fond, tout se joue dans l’imaginaire collectif. Pendant des décennies, la console a incarné la simplicité : on branche, on joue. Le PC, c’était la complexité : drivers, configurations, bugs. Aujourd’hui, cette frontière se brouille.

Le Steam Deck et ses concurrents offrent une expérience “console-like” sur PC. Menu intuitif, mise à jour simplifiée, compatibilité transparente avec les jeux Steam. À l’inverse, les consoles intègrent des fonctions autrefois propres au PC : abonnements, boutiques numériques, cross-play, mods parfois autorisés.

La question centrale devient alors : qu’est-ce qui définit une console de salon en 2025 ? Est-ce une machine fermée avec des exclusivités maison ? Ou simplement un appareil standardisé qui rend l’expérience accessible au plus grand nombre ?

Vers une guerre des formes

Tout porte à croire que la prochaine grande bataille ne sera pas entre Xbox, PlayStation et Nintendo, mais entre form factors.

➤ D’un côté, les consoles traditionnelles, avec leur ADN exclusif et leur simplicité rassurante.

➤ De l’autre, les PC portables hybrides, flexibles, puissants, connectés, qui séduisent par leur promesse d’un “tout-en-un” modulable.

Le joueur, lui, devient plus pragmatique : il ne cherche plus à s’identifier à une marque, mais à maximiser son expérience. Si une machine lui permet de jouer à Starfield, Elden Ring, Mario Kart et Baldur’s Gate 3, pourquoi multiplier les achats ?

Une ère de transition

Soyons clairs : les consoles n’ont pas dit leur dernier mot. Nintendo a toujours un trésor inestimable avec ses licences. Sony maîtrise comme personne l’art du blockbuster narratif. Microsoft possède un service qui change déjà les habitudes de consommation.

Mais le hardware, lui, perd son monopole symbolique. Les PC portables gaming montrent que l’avenir ne sera pas fait de murs, mais de passerelles. Que l’on parle de dock, de cloud ou de cross-play, l’expérience de demain sera fluide, nomade et interconnectée.


L’histoire n’est pas écrite. Peut-être que les PC portables gaming resteront une mode de niche, freinée par les prix et l’autonomie. Peut-être que Nintendo continuera à réinventer la roue avec une Switch 3 inattendue. Peut-être que Sony inventera le “Netflix des blockbusters narratifs”. Peut-être que Microsoft arrêtera complètement le hardware.

Mais une chose est sûre : nous ne sommes plus à l’époque des forteresses fermées. Le salon n’est plus un territoire réservé à trois constructeurs. C’est devenu un champ de bataille ouvert, où chaque machine portable branchable peut prétendre à la couronne.