Un fonds souverain aux ambitions XXL… mais aux poches moins profondes
D’après l’article de GameIndustry.biz, qui cite des sources du New York Times, le PIF n’aurait plus autant de liquidités disponibles pour lancer de nouveaux deals qu’au début de sa grande offensive d’investissement. Plusieurs projets phares seraient en “détresse financière” :
➤ la mégacité futuriste Neom, en proie à des retards et à des problèmes de chantier liés à des plans jugés irréalistes,
➤ un croisiériste, une chaîne de café et un constructeur de véhicules électriques, qui ne génèrent pas encore les retours espérés.
Officiellement, le PIF revendique près de 1 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, mais une grande partie de ce portefeuille est constituée d’investissements difficiles à revendre rapidement, sans valorisation publique claire. Selon le NYT, des représentants du fonds auraient expliqué à certains partenaires internationaux qu’ils étaient, pour le moment, “incapables d’allouer” de nouveaux montants significatifs.
Un porte-parole du PIF, lui, assure au contraire que le fonds dispose de 60 milliards de dollars en cash et instruments assimilés, de quoi continuer à soutenir sa stratégie de long terme – sans pour autant nier que le rythme des nouveaux engagements puisse ralentir. (source)
Une pause dans la frénésie d’achats, en plein méga-rachat d’Electronic Arts
Côté jeu vidéo, la nuance est importante : les actifs pointés comme étant en difficulté ne concernent pas le secteur gaming lui-même. Mais si le PIF ferme un peu le robinet des nouveaux deals, l’impact potentiel sur l’industrie est loin d’être anodin, tant le fonds est devenu un acteur central ces dernières années.
On lui doit notamment le rachat en cours de Electronic Arts (source):
➤ en septembre 2025, EA a annoncé son accord pour être retiré de la cote par un consortium mené par le PIF, Silver Lake et Affinity Partners, pour 55 milliards de dollars en cash,
➤ l’opération, qui valorise l’éditeur à 210 $ par action, doit être finalisée au premier trimestre de l’exercice fiscal 2027, sous réserve des approbations réglementaires et du feu vert des actionnaires. (source)
À ce stade, rien n’indique que ce deal soit remis en cause : le financement repose sur un mix entre capitaux propres (dont la conversion de la participation déjà détenue par le PIF) et dette fournie par JPMorgan, avec un calendrier déjà bien engagé.
En revanche, un PIF plus prudent pourrait se traduire par :
➤ moins de prises de participation surprises dans les gros éditeurs cotés,
➤ une pause dans d’éventuels nouveaux rachats de groupes entiers,
➤ des arbitrages plus serrés entre jeu vidéo, sport, divertissement et mégaprojets internes au royaume.
Un empire du jeu vidéo bâti à marche forcée
Si cette “soif de cash” fait autant parler dans le milieu, c’est parce que l’exposition du jeu vidéo au PIF est devenue massive en quelques années :
➤ via Savvy Games Group, le fonds possède notamment Scopely (Monopoly GO!) et Niantic (Pokémon GO), après une série de rachats et d’investissements géants,
➤ il détient des participations significatives dans Nintendo, Capcom, Nexon, Take-Two ou encore l’ex-groupe Embracer,
➤ il a injecté des milliards dans l’esport, en soutenant l’Esports World Cup Foundation et en cherchant à faire de Riyad une capitale mondiale de l’esport.(source)
Sur le terrain événementiel, la stratégie vient déjà de subir un revers symbolique : l’Arabie saoudite devait accueillir les Olympic Esports Games en 2027 dans le cadre d’un partenariat de 12 ans avec le Comité International Olympique. Fin octobre, l’IOC et la partie saoudienne ont pourtant annoncé la fin anticipée de leur accord, chacun préférant désormais poursuivre sa propre feuille de route esport.(source)
Dans le même temps, Riyad pousse d’autres projets comme l’Esports Nations Cup, une compétition internationale par pays portée par la fondation Esports World Cup, soutenue par plusieurs grands éditeurs (EA, Tencent, Ubisoft, etc.).
Quelles conséquences pour les studios et l’écosystème ?
À court terme, les éléments connus aujourd’hui restent limités :
➤ le PIF se dit à l’aise sur sa stratégie de long terme,
➤ les projets en difficulté mentionnés par le New York Times sont extérieurs au jeu vidéo,
➤ les deals déjà signés – comme le rachat d’EA – suivent pour l’instant leur cours “normal”. (source)
En revanche, si la consigne interne est vraiment de restreindre les nouveaux engagements, l’industrie pourrait voir :
➤ moins de gros chèques saoudiens sur les prochains mois, ce qui calmerait un peu la spéculation autour de certaines valeurs cotées ;
➤ une reconcentration des moyens sur les actifs déjà acquis (EA, Savvy, les participations dans les éditeurs japonais et occidentaux) et sur les projets domestiques comme Neom ;
➤ un impact potentiel sur les budgets d’esport et d’événements, dans un contexte où plusieurs partenariats visibles – à commencer par celui avec l’IOC – ont déjà été réajustés.
Pour l’instant, il s’agit donc moins d’un retrait que d’un coup de frein : le PIF reste l’un des plus gros bailleurs de fonds du jeu vidéo mondial, mais sa capacité à continuer d’accélérer au même rythme qu’entre 2020 et 2024 semble, au minimum, questionnée.